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Il y a bien un déclin de la France au niveau de l’Europe et du monde et un essai de contrôle toujours grandissant de la Commission européenne sur les politiques nationales

Dernière mise à jour : 18 mai

Jean-Pierre Dumas mardi 14 mai 2024

 

 

“il faudrait déplorer à la fois le déclin du poids de la France au sein de l’Union européenne et la mainmise de Bruxelles sur la politique menée par Paris.”


G. Wright Directrice à l’Institut Montaigne déplore, dans un article publié par le Monde, que les Français considèrent, à tort, que l’Europe serait la cause du «déclin du poids de la France au sein de l’UE». Pour l’auteur, « l’UE semble plus que jamais naviguer sous pavillon français.» Elle a raison sur un point, s’il y a déclin de la France au sein de l’Europe et du monde, ça n’a rien à voir avec l’Europe; malheureusement, il y a bel et bien déclin relatif de la France à l’intérieur de l’Union et dans le monde. Le déclin relatif de la France n’est pas une “perception” c’est une réalité. Quant au grignotage de Bruxelles (la Commission) sur les pouvoirs nationaux, elle est souterraine et permanente.

 

*

 

Effectivement, la France décline au sein de l’Union européenne (UE) et Bruxelles (la Commission européenne) essaie d’une manière constante d’étendre ses pouvoirs, soutenue en cela par notre Président qui a une certaine tendance à confondre Europe (nécessaire) avec supranationalité communautaire.

 

1   Il y a bien un déclin du poids de la France au sein de l’UE et du monde

Dans son discours du 25 avril à la Sorbonne, le Président Macron parle du déclin de l’Europe, il masque le déclin de la France sous le voile pudique du déclin de l’Europe. Qu’on en juge :

 

Il compare la croissance entre l’Europe et les États-Unis (nous n’avons pas trouvé les mêmes chiffres que ceux mentionnés dans son discours). La croissance du PIB per capita en dollar (PPA) constant de l’Union européenne de 1993 à 2022 est la même pour les États-Unis (57%) et l’UE (60%) (source Banque Mondiale); mais il y a une forte divergence entre les taux de croissance au sein des pays de l’UE. Les pays riches ont une croissance inférieure aux nouveaux venus, ce qui est normal. L’Europe a donc permis un extraordinaire effet de rattrapage pour les nouveaux pays.

 

En termes de croissance du PIB per capita (à prix constant) de 1995 à 2022, la France se situe au 25e rang (sur 27 pays de l’UE) (cf. tableau 1). La France est à la traîne en matière de croissance (32%) par rapport à la moyenne de l’UE (52%). C’est une chose que le Président Macron a oublié de mentionner. C’est embarrassant pour un pays qui a une certaine propension à expliquer à ses partenaires ce qu’il faut faire. Cette croissance faible n’a rien à voir avec l’Europe, elle est due à une insuffisance de travail en France, trop de bureaucratie, trop d’impôts et de charges et trop de normes qui ont un effet anti-croissance (la Commission européenne est ici très responsable).

 

Tableau 1 Ce qui est frappant, c’est la croissance exceptionnelle des nouveaux entrants au sein de l’UE (indices du PIB per capita pour chaque pays, base 100 en 1995, on a donc la croissance du PIB per capita de 1995 à 2023)



Le Président Macron a oublié de célébrer un des plus grands succès de l’Europe, l’intégration réussie et très bénéfique de 11 pays ex-communistes au sein de l’UE à partir de 2004. Il n’est pas étonnant que ces pays aient fait le choix de l’Europe et tiennent à y rester.


 

Si maintenant on regarde la France en termes de PIB, la France reste bien le deuxième pays de l’Union en termes de PIB, mais son poids au sein de l’Europe diminue, comme celui de l’Allemagne. Si on compare les PIB de 1980 à 2023, le poids de la France dans le PIB de 13 pays de la ZE diminue de 25% du total en 1980-1985 à 21% de 2018-2023.

 

Si maintenant on compare la France au niveau mondial, sur 48 pays les plus riches du monde (en termes de PIB per capita) la France passe du 12e rang en 1995 au 20e en 2023 (cf. tableau 2). La France a un poids diplomatique supérieur à son poids économique, la puissance française «cinquième puissance» mondiale repose plus sur le verbe que sur la substance.

 

Tableau 2 Il y a bien un décrochage de la France au niveau mondial




Un pays où l’on travaille moins pour gagner plus avec l’assentiment tacite des politiques (et de l’opinion publique) ne peut être un pays de croissance.

 

Alors on me rétorquera que le PIB n’est pas l’Alpha et l’Omega pour mesurer l’importance d’un pays, c’est tout çà fait vrai, mais un pays qui décline économiquement par rapport à ses pairs voit inéluctablement son pouvoir se réduire. Ce n’est pas visible à l’œil nu, car c’est un processus long.

 

2       Il y a bien une mainmise grandissante de la Commission européenne sur les politiques nationales


Prenons quelques exemples concrets dans le domaine diplomatique, de la défense et des normes.

 

L’Europe n’est pas juridiquement ni politiquement un pays, la Commission européenne n’est pas un gouvernement, comment se fait-il qu’une entité bureaucratique sans légitimité politique puisse avoir des ambassadeurs, comment le (ou la chef) de la Commission peut-elle être invitée au même rang que les chefs d’État à des réunions au sommet ? L’Europe (la Commission) souveraine, ça ressemble à un oxymore.

 

La Commission européenne depuis Mme von der Leyen veut tout faire, y compris s’occuper de défense…elle veut instaurer un commissaire à la défense, alors que la défense est théoriquement une prérogative nationale.

 

Le Commissaire T. Breton, qui a toujours de grandes idées pour dépenser et pour inventer de nouveaux programmes, propose de créer un fonds de €100 milliards pour la défense, puis dans le même souffle, il reconnaît que la défense est bien « un élément de souveraineté », M. Breton n’est pas à une contradiction prête. Autrement dit, la Commission gérerait un fonds pour la défense européenne, mais la défense nationale reste une prérogative nationale…celui qui gère le budget a le pouvoir. M. Breton demande tout simplement un transfert d’un pouvoir souverain vers la Commission européenne. Quant au financement, on verra bien, on émettra une dette communautaire (qui, bien entendu, sera gratuite puisqu’européenne…)

 

S’il est exact que les pays européens ne dépensent pas assez en matière de défense, c’est un leurre de s’imaginer que leur carence sera palliée par «l’Europe».

 

Le Président Macron propose une Europe de la défense, c’est un slogan qui masque la réalité, la réalité est que la France dépense moins de 2% de son PIB pour la défense (1.9% du PIB en 2023), il paraît que ça va augmenter dans les années à venir. La France n’a plus d’espace budgétaire et tellement de demandes de la part des citoyens.

 

Tableau 3 La France consacre 1.9% du PIB à la défense


Source : NATO, Defence Expenditure of NATO countries


Tous les politiques et commentateurs plaident pour un nouvel emprunt au niveau communautaire pour financer ces dépenses militaires. C’est un leurre de croire que si le financement est européen, il sera gratuit. Les questions auxquelles ne répondent pas le Président Macron, Mme von der Leyen, le Commissaire Breton, etc. Qui gérera ce fonds et qui paiera cette dette ? Des ânes nous disent que cette dette européenne ne figurera pas dans la définition de la dette nationale au sens de Maastricht, donc c’est bon à prendre, c’est une dette invisible. Admettons que cette dette soit communautaire (ce qui est bien le souhait de Bruxelles), admettons qu’on la rembourse, qui va payer ? Le contribuable européen, ça n’existe pas, il n’y a que des contribuables français, belges, italiens, allemands, etc. Que la dette soit européenne ou nationale, le service de la dette ne pourra être assuré que par des contribuables nationaux.

 

La Commission européenne a infligé toujours plus de normes au nom de l’harmonisation et de l’écologie. Grâce aux agriculteurs, on commence à prendre conscience que ces normes et règlements juridiques ont comme effet de brider la croissance et l’innovation. Les États-Unis ont une industrie vigoureuse dans le domaine de l’IA et n’ont pas de réglementations dans ce domaine, l’Europe a la meilleure réglementation du monde sur l’IA, mais n’a pas d’IA. Monsieur Breton, on ne fait pas de l’innovation en commençant par le droit. Il serait souhaitable de mettre un frein à l’appétit insatiable en matière de régulation de la Commission européenne. « Dès qu’une nouvelle technologie arrive, le premier réflexe est de réglementer. » R. Saadé, patron de CMA-CGM. Il serait sans doute temps que la Commission commence à écouter les chefs d’entreprises (un agriculteur, même petit, est un chef d’entreprise).

 

77 vues1 commentaire

1 Comment


chrismex3
May 21

Je suis d’accord avec ce que tu écris. 

Pour ma part je suis très déçu par la manière de gouverner en politique étrangère de M. Macron : deux exemples notre ambassadeur à Moscou a été le seul de l’union à assister à l’intronisation de Poutine. 

Michel Rocard avait réussi à stabiliser la Nouvelle Calédonie , M. Macron jette de l’huile sur le feu avec un risque supplémentaire d’enflammer l’outre mer, en particulier la Guadeloupe. 

Tôt ou tard l’outre-mer demandera son indépendance.

En politique intérieure je suis un peu moins critique, mais 2 700 milliards d’euros de dette laisse rêveur . La solution sera d’ emprunter aux Français quand les taux augmenteront, comme au Japon . 

La France perd de l’importance…


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