Mardi 17 décembre 2024
Jean-Pierre Dumas
"Nous devons faire preuve d’une responsabilité exemplaire dans nos finances publiques "
G. Attal, Premier Ministre
« nous sommes les héritiers d’un passé plus grand que nous, qui peut chaque jour disparaître, et les acteurs d’une époque que nous avons à transmettre.»
E. Macron, discours de ND le 8 déc. 2024
Beau discours du Président à Notre-Dame, il semble que nous allons transmettre à nos descendants plus de passifs que d’actifs.
« le consensus était de taxer et de taxer encore nos entreprises, comme si elles ne faisaient pas face à des concurrents internationaux qui sont soumis à des charges inférieures aux nôtres. Il faut « faire payer les riches » comme si notre époque ne permettait pas une expatriation relativement facile sous des cieux fiscalement accueillants. »
Gérard Araud in Le Point 8/12/2024
La France se trouve confrontée à un double défi sans précédent depuis la fondation de la Cinquième République. Un défi politique, une majorité introuvable et un défi économique, une incapacité à procéder à une politique d’ajustement rationnelle. Inutile de revenir sur la dissolution de l’Assemblée qui a précédé la censure (et qui donc était inutile), cela a été largement commenté. Ce pari funeste peut mettre en péril la Ve République que l’on croyait solide grâce à sa Constitution et nous ramener à la politique des partis de la IVe (situation d’autant plus grave que nous sommes, à l’heure actuelle, un pays dans les mains de coalitions qui ne s’entendent que pour dire non). À ce séisme politique s’ajoute une situation des finances publiques grave, la détérioration extrêmement forte de nos finances publiques depuis 2020. En outre, cette année 2024 a connu un choc budgétaire inattendu, puisque le déficit escompté était prévu autour de 5% du PIB pour finalement s’établir à plus de 6% du PIB. Dans un pays qui s’est toujours peu soucié des équilibres budgétaires et pour qui rigueur budgétaire est synonyme d’austérité et austérité de politique ultra libérale (c’est le niveau de nos politiques), il faut s’attendre à quelques remous financiers et à une dégradation économique et sociale. Ce déclin lent et continu est principalement dû, à notre avis, à un excès de prélèvements obligatoires qui étouffe la croissance potentielle du pays. Excès de prélèvement obligatoire dû à un excès des dépenses publiques qui sont passées de 47% du PIB en 1980 à 57% en 2023.
La seule politique budgétaire rationnelle à mener consiste à réduire les dépenses publiques afin de réduire les prélèvements obligatoires (inclus les charges sociales). L’extrême gauche et l’extrême droite s’entendent sur un point, accroître toujours plus les dépenses publiques.
L’objectif de cette note consiste à montrer 1) ce que pourrait être une politique budgétaire rationnelle compte tenu de l’héritage du passé (l’héritage du passé c’est le stock de la dette publique française (112% du PIB, fin 2024), qui se situe au sixième rang parmi les pays développés, devant l’Espagne (102%), le Royaume-Uni (102%), le Portugal (94%) et évidemment l’Allemagne (63%).
2) que cette politique ne sera pas menée pour des raisons politiques évidentes (on ne fait pas de réformes de structure sans leadership, sans vision stratégique, dans le désordre et dans la précipitation. L’expérience Barnier est ici éclairante, un Premier Ministre plein de bonne volonté qui, faute de culture économique (donc de vision) et faute de majorité politique s’est laissé mener en bateau par le RN. Il n’y a aucune raison que ce qui s’est passé avec M. Barnier ne se renouvelle pas avec son successeur (chaque parti va brandir sa ligne rouge).
3) Alors vous allez dire à quoi ça sert de dire ce qu’il faudrait faire si ça n’est pas fait, puisque la classe politique (qui vote le budget) n’est pas prête à faire une politique de rigueur. N’est-ce pas du don quichotisme ? Ça sert à avoir un référentiel qui permet de porter un jugement sur le budget qui sera proposé par le nouveau gouvernement.
1. Une série de déficits budgétaires qui dénote un pays qui manque de souplesse
Tous les pays ont fait du déficit lors de la crise covid en 2020 (à l’exception du Danemark, cf. tableau 1) ; mais elle fait partie des pays incapables de revenir à une situation budgétaire normalisée après 2020. Les pays qui ne se sont pas ajustés après 2020 sont : Les États-Unis (déficit budgétaire moyen de 2020 à 2024, 8.7% du PIB), l’Italie (7.5%), le Royaume-Uni (7.2%), la France (6.4%) et le Japon (6%) du PIB. Comment ces pays vont-ils s’ajuster, en particulier les États-Unis, qui va avoir un Président pour qui l’équilibre budgétaire n’est pas sa “cup of tea’’, cela reste à voir. Les États-Unis, par le statut du dollar dans le monde, peuvent, sans doute, se permettre un déficit élevé plus longtemps, la France ne peut pas.
Tableau1: Certains pays sont plus souples que d’autres
Par budget, nous entendons le budget consolidé de l’État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale, c'est le budget des administrations publiques [APU].) Le solde budgétaire présenté dans ce tableau est équivalent au solde budgétaire, selon Maastricht).
La France, à cause de la méconnaissance de la contrainte budgétaire, du monopole idéologique du keynésianisme simpliste et du poids des fonctionnaires salariés inamovibles qui peuvent se permettre de faire grève pour n’importe quels motifs, n’est pas un pays souple capable de s’adapter rapidement à une conjoncture changeante. La Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, pays à ratio des dépenses élevé (bien qu’inférieurs à celui de la France), ont été en mesure de réduire plus vite et plus fort leurs dépenses publiques que la France (cf. tableau 2).
La France fait partie des pays à culture simpliste keynésienne (il faut faire du déficit permanent), le gouvernement surréagit en période de crise. La théorie keynésienne a été développée en réponse à la Grande Dépression de 1929 ; c’est l’exception, non la règle. Elle est pourtant considérée (implicitement) comme une théorie de la croissance, ce qui est faux : l’accumulation des déficits entraîne des crises de la dette, qui obligent tous les pays, y compris la France, à s’ajuster dans la douleur. En outre, appliquer systématiquement une politique keynésienne a pour effet d’accroître les impôts et charges pour essayer de réduire le déficit et cet accroissement a pour effet de réduire la croissance potentielle du pays. En d’autres termes, une politique keynésienne permanente a l’effet inverse de l’effet souhaité, elle réduit le PIB.
2. Le Président Macron et son Ministre des Finances, B. Lemaire, qui ont été au pouvoir durant sept ans, sont très responsables
La responsabilité, du Président Macron et de son Ministre des Finances, B. Lemaire, est grande dans cette dérive budgétaire. Ils auraient pu, depuis sept ans qu’ils sont au pouvoir, commencer à procéder en douceur à une réduction progressive et rationnelle des dépenses publiques et, ensuite, toujours dans la durée, réduire les charges qui pèsent sur la France et l’empêchent de se développer. Il faut du temps pour identifier les dépenses inutiles, les doubles emplois, le Président aurait pu créer une commission interministérielle présidée par le ministère des Finances et par la Cour des Comptes pour passer en revue l’utilité des dépenses publiques, ministère par ministère, établissements publics, agences et hautes autorités diverses, collectivités locales et Sécurité Sociale. Rien n’a été fait. Le Président Macron s’est focalisé sur la politique extérieure, les grands discours, l’écologie et l’Europe, il ne s’est jamais intéressé à la contrainte de base de la France, dont tout le reste dépend, l’ampleur des dépenses publiques. Il n’y a pas de grand pays sans finances publiques saines, c’est une leçon qui a été oubliée depuis le Général de Gaulle et G. Pompidou.
Vous allez dire, le Président Macron a bien fait une politique de l’offre en réduisant (timidement) certains impôts de production et des charges sociales et en réduisant l’impôt sur les bénéfices des entreprises, ce qui a permis une réduction du chômage. Ces mesures, qui allaient dans la bonne direction, seront balayées par le nouveau gouvernement. Il a aussi su attirer les investissements et les banques situées à Londres pour faire de Paris une place financière. Certes, c’est exact, mais le Président a fait une politique de l’entre deux, du centre, du « en même temps » et il n’a rien fait de durable sur la réduction des dépenses. On réduit les revenus, mais on oublie de diminuer les dépenses. Et si un événement imprévu frappe le pays, alors on déclenche les grandes orgues du déficit budgétaire et on continue d’accumuler les déficits en croyant que ceux-ci stimulent la croissance et font baisser le chômage. La France a continué à faire du déficit après 2020 alors qu’il fallait redresser la barre, comme l’ont fait des pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, le Canada et l’Allemagne (cf. tableau 1).
Dans un pays qui a un ratio des dépenses publiques de 57% du PIB, on ne peut pas faire une politique de l’offre sans réduire au préalable d’une manière significative et permanente les dépenses publiques. C’est une chose que le Président et son ministre des Finances n’ont pas comprise (ou n’ont pas voulu comprendre en espérant passer la patate chaude à leurs successeurs comme l’ont fait tous ses prédécesseurs).
Le Ministre B. Lemaire se défend auprès des députés en disant qu’après tout, c’étaient eux qui passaient leur temps à réclamer toujours plus de dépenses et qui aujourd’hui jouent la rigueur, ce qui ne les empêche pas de réclamer plus de dépenses dans le prochain budget. Il a raison, il ne faut pas s’attendre à un comportement rationnel de la part des députés, mais il a dirigé, pendant sept ans, le ministère des Finances, on croyait que le ministère des Finances était tout puissant et avait le pouvoir de dire non aux demandes irresponsables des politiques et des ministères dépensiers et il aurait aussi pu mettre en œuvre une commission d’analyse des dépenses publiques. Aucune vision, mais des velléités.
Le ratio des dépenses publiques de la France a bien diminué durant les trois premières années du mandat du Président Macron (cf. figure 1), ce qui allait dans la bonne direction, malheureusement, la réponse du Gouvernement à la crise covid de 2020 a été trop forte (accroissement du ratio des dépenses publiques de sept points de PIB en un an, ce qui était tout à fait exagéré étant donné son niveau de départ déjà le plus élevé de tous les pays). De 2020 à 2024, la France n’a réduit ses dépenses publiques que de cinq points de PIB, alors que la situation de départ était très élevée (62% du PIB en 2000), la Grèce a réduit ses dépenses publiques de 12 points de PIB sur la même période (cf. tableau 2).
Figure 1 : Évolution du ratio des dépenses publiques en France pendant le mandat Macron
Source: International Monetary Fund, World Economic Outlook Database, October 2024
Tableau 2 Tous les pays ont réduit le ratio de dépenses publiques plus que la France qui, cependant partait d’un ratio plus élevé
3. La stratégie budgétaire que devrait suivre la France
Il y a un quasi-consensus pour dire que l’on doit réduire le déficit budgétaire qui atteint le niveau ridicule de 6% du PIB cette année, le problème est qu’on reste dans l’ambiguïté sur la mise en œuvre. Le déficit budgétaire est la résultante de deux composantes, les recettes et les dépenses. Dans les débats parlementaires qui ont eu lieu et qui vont avoir lieu de nouveau et chez les commentateurs, on a été étonné de constater que l’on commençait tous les discours par « il faut réduire les dépenses » et, comme réduction des dépenses, on évoquait la nécessité d’accroître les taxes (sur les riches), les grandes entreprises, réduire les exonérations sur les charges (ce qui est équivalent à un accroissement de charges sur les entreprises). Autrement dit, en France, baisse des dépenses est synonyme de hausse des prélèvements. Il n’y a aucune raison pour que l’ancien discours ne soit pas répété par les mêmes représentants du peuple.
La variable de politique économique n’est pas le déficit budgétaire ni la dette, qui sont des variables endogènes, la dette est la somme des déficits passés. Il ne suffit pas de proclamer que la croissance réglera la dette, comme le font souvent les politiciens. La seule façon de réduire la dette consiste à réduire le déficit primaire (le déficit primaire est la différence entre les dépenses et les recettes, à l’exclusion des paiements d’intérêts sur la dette, sur lesquels le gouvernement n’a aucun contrôle).
Dans un pays comme la France, le seul instrument pour réduire le déficit consiste à réduire les dépenses publiques.
1. Le ratio des dépenses publiques par rapport au PIB en France est le plus élevé du monde, 57% du PIB en 2023 (cf. figure 2) ; or, les dépenses publiques, au-delà d’un certain seuil, ne sont pas un facteur de développement, elles étouffent la croissance. L’innovation vient rarement de la puissance publique, mais des entreprises privées (regardez le rôle des entreprises privées aux États-Unis (Tesla, Google, Apple, Microsoft, Nvidia), l’État ne peut pas tout faire, il n’est pas le facteur de l’innovation. Le poids démesuré de la fonction publique favorise la réglementation au détriment de la prise de risque et de l’investissement privé. Si à la bureaucratie nationale vous ajoutez la bureaucratie de la Commission européenne, il ne faut pas s’étonner que la ZE soit en déclin relatif vis-à-vis des États-Unis et de la Chine. Les Français sont focalisés sur le social (moins de travail, plus de loisirs, plus de retraite, plus de santé (gratuite), plus d’éducation (gratuite). Ce sont des ambitions louables, mais on a sans doute dépassé la limite en confondant la multiplication des fonctionnaires et des agences publiques (qui doublent les ministères) avec le social.
2. Un ratio des dépenses élevé entraîne de facto des recettes budgétaires élevées, les gouvernements successifs de la France n’augmentent pas les prélèvements obligatoires pour le plaisir, il les augmente parce que les dépenses publiques augmentent. Donc, le niveau des impôts et charges sociales est la conséquence du niveau des dépenses publiques (cf. figure 2).
Figure 2: La France a le ratio des dépenses publiques* et des recettes* le plus élevé du monde (exception Finlande et Norvège pour les recettes)
Source: International Monetary Fund, World Economic Outlook Database, October 2023
*Les dépenses et les recettes des administrations publiques (APU) ne se limitent pas aux dépenses et recettes de l’État, elles comprennent les dépenses de l’État, de la SS et des collectivités locales
3. Le problème de la France ne réside pas dans son économie, mais dans le fait que ses impôts et charges sont trop élevés, ce qui entrave son économie. Les impôts ne sont pas neutres et ne sont pas équivalents sur le plan de la croissance et de l’emploi, un euro supplémentaire d’impôt sur la production n’a pas les mêmes effets qu’un euro de TVA. Le pays dépend excessivement des impôts pour financer des dépenses publiques en constante augmentation. Cela entraîne une décroissance économique, une baisse de compétitivité (le déficit externe de la France est en partie dû à des charges trop élevées), et une augmentation du chômage. C’est la raison pour laquelle la théorie keynésienne ne fonctionne pas dans un pays comme la France. Plus on fait du déficit, plus il faut relever les prélèvements obligatoires pour combler ce déficit (c’est bien ce qui va arriver en 2025) et plus cette accumulation d’impôts et charges va peser à la baisse sur la croissance. Cette baisse de la croissance n’est pas temporaire, elle est permanente.
4. Il faut toujours plus de déficits pour avoir le même taux de croissance. De 1980 à 2024, il y a eu trois récessions (1993, suites de la guerre du Golfe), 2009 (crise financière mondiale), récession en 2020 (covid). La récession de 2020 est particulièrement sévère (croissance, -7.6%), elle a été suivie d’un déficit budgétaire très élevé, 6% du PIB sur la période 2020-2024 pour une croissance moyenne sur la même période inférieure à 1% (il a fallu un déficit de 7.9% du PIB pour obtenir un pour cent de croissance.
Tableau 3. La croissance économique moyenne diminue après chaque récession, malgré des déficits de plus en plus élevés
Source : à partir International Monetary Fund, World Economic Outlook Database, October 2024
Pour résumer, la France a des dépenses publiques trop élevées, en conséquence des prélèvements obligatoires trop élevés et une structure d’impôts antiéconomique. Les conséquences économiques, une croissance faible (en dessous du potentiel), si on continue à réduire les déficits par une hausse des prélèvements obligatoires, la croissance, en termes réels, sera inférieure à 1% par an et le chômage va augmenter (ça a déjà commencé). Comme les prélèvements ne sont pas suffisants, on fait appel à l’endettement pour financer ces déficits. Le recours à l’endettement n’est pas illimité, même si on ne sait pas où se situe le point de retournement, on commence à réaliser qu’un pays comme la France membre d’une zone monétaire est en train d’atteindre la limite.
C’est sur ce constat que tout homme d’État responsable, compétent et honnête devrait bâtir le budget, un budget qui vise à réduire progressivement le niveau des dépenses publiques et ensuite réduire les prélèvements anti-croissance (impôts de production et réduction des charges). C’est ce que nos critiques appelleront avec dédain une politique d’ « austérité » (Alesina, Favero, Giavazzi, Austerity, (2019). Cette politique, contrairement à ce que pensent les néokeynésiens, peut être facteur de croissance, à condition qu’elle soit explicite (annoncée à l’avance) et crédible (mise en œuvre sur la durée). Il est superflu de souligner que cette politique n’est pas celle des représentants élus ni du gouvernement actuel, et qu’elle ne peut pas être mise en œuvre en raison du contexte politique actuel.
Une telle action exige, a) lucidité (capacité à comprendre les mécanismes de l’économie; b) un courage politique exceptionnel qui est inexistant, chez nos chefs d’État, depuis de Gaulle. Quand de Gaulle a décidé d’appliquer un plan de rigueur lors de son accession au pouvoir, ses hauts fonctionnaires lui ont dit « le peuple va descendre dans la rue », il a répondu « eh bien qu’il descende». c) de la suite dans les idées, c’est-à-dire un plan de réduction phasée et rationnel des dépenses publiques. Si le gouvernement est sérieux dans la réduction des dépenses publiques d’un pays obèse comme la France, cela ne peut se faire que sur plusieurs années. Si l’objectif final du ratio des dépenses publiques est de 50% du PIB et que le pays a un ratio moyen des dépenses publiques de 58% du PIB, il faudra bien une dizaine d’années pour un gouvernement sérieux pour y arriver (la Suède l’a fait, cf. figure 3). Cela exige une force de caractère, le courage de ne pas craindre d’affronter la rue et faire une analyse sérieuse de l’utilité des dépenses publiques débarrassée du charabia attaché à la LOLF, qui ne sert qu’à justifier les dépenses existantes avec des concepts vaseux.
Figure 3 : En une dizaine d’années, la Suède est passée d’un ratio des dépenses publiques de près de 70 % du PIB à 50%
Source : IMF/WEOdatabase, Oct. 2025
4. Quelle est la probabilité que cette politique soit adoptée par les autorités politiques et financières du pays?
Nulle, quasi nulle. L’économie de marché n’est pas en vogue dans notre pays abreuvé à la mamelle du socialisme. « Toujours plus » est la devise des socialistes (« On manque de moyens », France Inter, Télérama, Libération, Le Monde, etc.). Cette politique nécessite une annonce claire et sans ambiguïté de la part du gouvernement en faveur d’une baisse continue des dépenses publiques afin de créer les anticipations positives de la part des principaux acteurs de l’économie; or les politiques français sont effrayés par la rue (et certains députés vociférant). En outre, la configuration politique actuelle ne peut que renforcer cette absence de décision. Les trois principaux partis extrémistes ayant la majorité à l’Assemblée, à savoir le Rassemblement National, La France insoumise et les socialistes, sont d’accord pour augmenter les dépenses publiques et imposer davantage les contribuables. Ils n'ont qu’un leitmotiv, le pouvoir d’achat, les retraités (avec abolition de l’âge de départ à la retraite) et l’accroissement des salaires et du nombre de fonctionnaires. Objectifs qui sont aussi partagés par le centre et la droite. Trois exigences qui ne vont pas dans la bonne direction. Aucun Premier Ministre (PM) ne sera en mesure de se mettre à dos la majorité de la population (essentiellement inactive). Enfin, ce n’est pas en quinze jours qu’un PM, même un super PM, peut réduire d’une manière rationnelle les dépenses publiques du pays. La France va devoir réduire son déficit budgétaire, cela se fera essentiellement par la hausse des impôts (il est plus facile techniquement et politiquement d’accroître les impôts sur les riches et les entrepreneurs, qui ne sortent pas dans la rue, que de baisser les avantages acquis d’une population à revenu moyen qui a le loisir de sortir dans la rue). Ce problème lié au populisme n’est pas limité à la France, mais il est particulièrement aigu dans un pays qui n’a plus aucun espace budgétaire.
Les baisses des dépenses devraient commencer par les postes les plus importants, les dépenses sur les retraites (14% du PIB), les dépenses des salaires de la fonction publique (12% du PIB) et les dépenses sociales (particulièrement élevées en France). Inutile de dire que l’on fera le contraire. Baisser les pensions des fonctionnaires, dont la majeure partie est financée par de la dette, contrairement aux âneries écrites par le COR, et baisser le nombre de fonctionnaires qui sont pléthoriques dans ce pays permettrait d’accroître la compétitivité de la France, de réduire la désindustrialisation française et de réduire le chômage structurel de la France. Inutile de dire qu’aucun PM n’a la capacité ni le pouvoir de mener cette politique.
Alors, vous allez dire, à quoi ça sert de prôner une réduction des déficits par une baisse des dépenses et en plus avoir l’outrecuidance de s’attaquer aux vaches sacrées françaises, si cette mesure s’avère inapplicable? Ça sert à donner un référentiel qui permet de juger l’écart du budget proposé par rapport à l’objectif pour retrouver un sentier de croissance avec emploi. Si par ex. le prochain Gouvernement annonce une baisse du déficit budgétaire qui repose sur 10% de hausse d’impôt et 90% de baisse des dépenses, ça sera un signal positif (++) ; s’il propose une réduction du déficit par une hausse des prélèvements obligatoires entre 10 et 50%, ça sera négatif pour la France (-), s’il propose une hausse des prélèvements supérieure à 50% (c’était la proposition du précédent budget, ce sera très négatif pour la France (---) et enfin, si, en outre, sous la pression des socialistes, des insoumis et du RN, il propose la suppression de la réforme (bien insuffisante) des retraites, ça sera très négatif pour la France (----). Il sera impossible dans ce contexte d’avoir une croissance économique égale à 1% par an.
Ça sert aussi à essayer de suggérer que la France n’est pas la somme des intérêts catégoriels, c’est le message du Général de Gaulle et qui, depuis, a été oublié.
Néanmoins, on rappellera que le PM actuel (F. Bayrou) était Haut-Commissaire au Plan et qu’il a lancé une étude très intéressante et lucide sur les retraites en France «Retraites : une base objective pour le débat civique », décembre 2022. Dans l’introduction à ce rapport F. Bayrou considère que :
1. L’État est en dernier ressort le garant de l’équilibre du système global des retraites par répartition français. La partie des retraites du privé (les retraites complémentaires) est financée par le secteur privé, une grande partie des retraites du secteur public est financée par l’État, c’est-à-dire par les contribuables.
2. L’État finance largement les retraites de ses fonctionnaires au-delà de leur contribution (quand elle est calculée au même niveau que le secteur privé). Les cotisations de l’État en faveur de ses fonctionnaires, qui devraient être équivalentes à 16% des salaires, comme c’est le cas dans le secteur privé, s’élèvent en fait à 40% du salaire des fonctionnaires des collectivités locales et des hôpitaux, 74% pour les fonctionnaires civils de l’État et 126% pour les militaires (comme système équilibré, on a fait mieux). Le raisonnement est identique pour les entreprises publiques, la fonction publique considère qu’une subvention de l’État à une entreprise publique ou aux retraites des fonctionnaires se traite comme une recette alors qu’une subvention de l’État est toujours un transfert de l’État (une dépebnse pour l'Etat) à un autre agent. La subvention de l'Etat à l'agent s’annule dans la consolidation. La culture économique du COR est plutôt limitée) (inutile d’écrire que les parenthèses ne sont pas de l’honorable Haut-Commissaire). Contrairement à ce qu’écrit le COR, le système des retraites par répartition français ne sera pas équilibré sans recours financiers publics complémentaires (c’est une litote pour dire que les retraites sont et seront de plus en plus financées par le recours à l’endettement).
3. En 2021, l’État et des établissements publics ont apporté aux caisses de retraites obligatoires sous forme de sur-cotisations ou transferts d’impôts €30 milliards (soit 18% du déficit budgétaire global de la France cette année...), soit 21% des recettes totales du système des retraites (et le COR ose dire que le système des retraites français est en quasi-équilibre) (les parenthèses sont personnelles).
4. « …affirmé que nos régimes de retraites sont « en excédent » il s’agit seulement et uniquement d’un constat partiel qui ne porte que sur les régimes complémentaires de salariés ou d’indépendants, à l’exclusion des régimes de la fonction publique, des régimes spéciaux et d’exploitants agricoles, dont le large déficit est couvert par des fonds publics. »
5. Si, comme l’a écrit le Commissaire au Plan en 2022 « globalement, notre protection vieillesse obligatoire est en fait en déficit structurel important » et que ce déficit pèse pour au moins 18% du déficit global de la France, il serait souhaitable que le nouveau PM se souvienne de ce qu’il a écrit en 2022 comme Haut-Commissaire pour s’attaquer à la situation injuste et non viable du système des retraites des fonctionnaires. Hélas, F. Bayrou a changé de statut de haut-commissaire, il est devenu PM, il a perdu sa liberté d’expression et n’a gagné aucune liberté d’action. S’il fait quelque chose, il est renversé, comme son prédécesseur, par la Chambre des députés, la seule chose qu’il puisse faire, pour durer, c’est de ne rien faire ou présenter un budget avec le même déficit que l’année antérieure.
On n’échappera pas aux lois de la gravité de l’équilibre budgétaire à long terme. La dette est la valeur actualisée des impôts futurs et les impôts futurs c’est, dans un pays surimposé comme la France, moins de croissance, moins d’industrialisation, plus de chômage, en un mot plus de déclins.
Il reste à projeter différents scénarios de budget et de dette pour la France.
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